LE CONTEXTE

L'orbe céleste étire langoureusement ses rayons en sortant de son lit d'éther. Avec elle, le jour perce la voûte étoilée de ses pigments flamboyants. L'astre s'éveille à peine, mais sa lumière déborde déjà sur les dunes d'ocre de l'infini désert, cavale jusqu'à l'horizon ensablé et s'invite sur l'arche endormie par les fissures de ses murs de glaise.
Sur la cité ambulante, entre l'or et la poussière, le monde échappe peu à peu au sommeil. Une berceuse dévale un immeuble couleur de rouille, un doux bourdonnement de zeppelin s'accroche à la brise et le tintement saccadé de la locomotive résonne entre les étages de la ville. Sur les plafonds et les toitures, les hauts-parleurs grésillent pour annoncer le matin : « Mesdames et messieurs, mes astres et mes cieux, interpelle une voix nasillarde, je vous salue en cette belle journée pour vous annoncer que notre divin Soleil a exaucé nos prières. Soyez reconnaissant, très chers, car nous célébrons aujourd'hui le deux-cent-dix-neuvième anniversaire de notre merveilleuse Ethernel, citadelle salvatrice, protectrice de nos vies. Ensemble, mes amis, nous vaincrons la nuit., clame l'émetteur en sortant les habitants de la torpeur. ». Au cœur de cette ritournelle matinale, la cadence des pas d'une vieille femme agrémente la mélodie de ses harmonies. Fredonnant d'anciens accords, la dame promène ses yeux cernés sur les ruelles étriquées, envahies par les fresques et les gravures. Parvenue aux limites de la forteresse, elle se penche au bord du vide, lance son buste par dessus la corniche et, alors que sa chevelure d'argent valse avec l'ambre du désert, actionne de son doigt noueux un mécanisme caché.
Lorsqu'elle se redresse en grimaçant, une porte dérobée se détache de la façade terreuse. La mystérieuse jette un regard suspicieux aux rues désertes avant de disparaître dans l'antre secrète. « Vous avez entendus ça ?, s'insurge-t-elle avant même de saluer ses quelques camarades attablés dans l'obscurité. Deux cent dix neuf années que le sable a mangé le monde, et toujours pas une terre en vue ! Ils pensent pouvoir nous laver le cerveau avec leur dieu soleil, mais vous savez ce que je leur répond moi ? Même pas en rêve !, s'emporte-elle en abattant son poing sur la table de verre. Qu'ils le bouffe, leur cailloux, c'est pas ici que je vais laisser mes petits-enfants grandir. Ils méritent mieux que des sermons, des interdits et des promesses en l'air. A travers la pénombre, elle embrasse de son regard ardent une assistance intimidée. On mérite tous mieux que cette saleté de prison flottante., renchérit un homme en se levant. Nous nous sommes assez cachés ! Une première approbation se fait entendre, entraînant la clameur. Il est grand temps de rallumer les étoiles, mes frères. On va leur montrer, à ces aveugles, ce que c'est que de vraiment vivre. » Les éclats de colère se mêlent à présent en tumulte grondant. Dehors, la peinture craquelle, révélant les hérésies d'un peuple déchiré par le désespoir, la lassitude et l'oppression. Là-haut, le jour et la nuit s'affrontent pour conquérir un ciel en sang et son monde de sable.[/justify]