ANNEXE : ETHERNEL

De sa naissance à sa déchéance, le monde connait trois ères.
Baptisée l'Azure, la première témoigne de l'apogée et du déclin de l'humanité. La planète bleue voit les civilisations s'épanouir, se succéder, se côtoyer et s'affronter à sa surface. Tour à tour, chacun laisse sa trace sur le paysage, sculptant à sa guise l'horizon déformé. Peu à peu, les buildings écrasent les plaines, les routes mangent les forêts. L'homme s’empare de l'univers.
Ensuite débute la seconde ère, l'Écarlate, qui ravage la planète. Les conditions de son déclenchement demeurent un mystère. De désastre écologique à fléau divin, les théories sont aussi nombreuses que contestables. Néanmoins, sa finalité demeure inchangée : des sociétés paralysées sombrent dans la terreur et la panique alors que la surface de la Terre se noie dans un désert aride jonché de cadavres et battu par les tempêtes de sable.
Mettant un terme au cataclysme, l'Ocre est l'inespérée accalmie offerte aux rares rescapés. Une île d'argile du nom d'Ethernel permet aux survivants d'échapper aux cruelles forces de la nature. Capable de voguer sur les dunes et d'échapper aux tempêtes, cet étrange vaisseau est vite surnommé "Chrysalide" à cause de sa forme toute particulière qui rappelle un cocon de papillon. Sa capitaine, la "Veilleuse", ravive l'espoir dans le coeur des damnés avant de mystérieusement disparaître à l'aube de la décennie anniversaire.
A présent, et depuis 219 ans, les Ethers, livrés à eux-mêmes, représentent le dernier espoir de l'humanité.

Perché sur sa voûte céleste, le Soleil est le nouveau roi d'un été éternel. Parfois, l'empereur refuse de se coucher pendant plusieurs jours d'affilés. D'autres fois, il ne daigne même pas se montrer, condamnant la planète à une journée nocturne. Alors, la voie lactée irradie de lumière au côté d'une imposante lune. Les aurores boréales osent même couramment dévoiler l'incroyable éclat coloré de leur ballet synchronisé.
Au pied de ces astres souverains, le sable a finalement terminé de dévorer la Terre. Ni les gratte-ciels ni les mers n'ont survécu à son insatiable appétit. Tout a été mâché par les vents puis englouti par la poussière. Aujourd'hui, il ne reste de ces titans météorologiques qu'une poignée de tempêtes de sable éparses. Rares mais meurtrières, celles-ci suivent les chemins que tracent les vents, ce qui permet d'en prédire vaguement la trajectoire.
Ce sable vainqueur s'étale à perte de vue. Le désert déploie ses dunes meurtrières. Par sa faute, une grande majorité de la planète est devenue impraticable. D'une trop faible densité, rien ni personne ne peut s'y aventurer sans s'y enfoncer. Les sables mouvants avalent inéluctablement tout ce qui passe à leur portée. Pour sauver son corps de la dune, il faut constamment avancer à une vitesse qui, selon les experts, approcherait les quatre-vingt-dix kilomètres par heure. Heureusement, quelques rares parcelles de terrain se distinguent de ces terres affamées. Assez solides pour supporter le poids d'un homme, voire même de ruines issues du monde déchu, ces parcelles rocheuses sont dispersées dans le paysage, semblables à de minuscules îlots de pierre s'extirpant du désert. Il est facile de les déceler puisque, contrairement à la plupart des dunes qui s'habillent d'un jaune clair et lumineux, ces refuges compacts arborent des nuances marrons et noires. Plus le sol s'assombrit, plus il est praticable.
Entre ce ciel trop chaud et ce sol trop exigeant, la faune et la flore n'ont pas survécu. Les plantes et les animaux se sont éteints avec la majorité des humaines. Seuls mystérieux rescapés du cataclysme, plusieurs sortes d'insectes cohabitent avec les derniers hommes au sein de la Chrysalide.

Ethernel s'élève dans toute son extravagance au milieu d'infinies dunes dorées. Montée comme un iceberg cuivré, la citadelle semble toute de hauteur. Elle enfonce le bout de ses orteils dans le sable puis grimpe grignoter le ciel avec son armée de dirigeables et de montgolfières. Elle touche les nuages du bout de ses fenêtres dans un ensemble de tours tordues, de petites maisons biscornues et d'engins volants saugrenus. L'architecture hétéroclite de la cité est la parfaite illustration du mélange de cultures diverses et anachroniques qui en fait la beauté.
Afin de parcourir les petites ruelles tortueuses, les hautes marches accidentées et les ponts aériens insensés qui composent la forteresse, les habitants fabriquent eux-mêmes leurs extravagants moyens de locomotion à roues, à ailes, à pieds ou même à ressorts. Pour un trajet plus sûr, les multiples étages de la citadelle s'entrelacent également d'un petit train de cuivre ouvert au public. Cramponné à la paroi, l'engin parait véritablement s'ébranler au bord du vide, relâchant une nuée humaine à chaque étage où il s'arrête.
Ces multiples étages sont rassemblés en trois quartiers distincts.
Assis sur le haut des immeubles, les jambes dans le vide, des nuages entre les oreilles, "Extase" surplombe la ville avec ses machines volantes. Là-haut, on trouve principalement les installations scientifiques et religieuses, vitales au bon fonctionnement de la société. N'étant, bien entendu, pas desservi par le train ou par la rue, il faut y accéder en grimpant sur le toit de certains immeubles qui se dotent d'échelles, ou bien encore en décollant du sol avec une petite navette volante. Une fois là-haut, pour circuler entre les embarcations, des ponts de toutes sortes se balancent dans le vent.
À ses pieds, "Accalmie" est le coeur géographique et humain. Comprenant les étages supérieurs de la citadelle, il abrite une majorité de la population et de ses habitations, ainsi que les principaux lieux de vie publiques. Accueillant et pétillant le jour, le bruit y est inévitable, emplissant les moindres coins et recoins de ces petites ruelles bariolées. Cependant, le quartier se vide brusquement dès que le soleil disparaît et la lune n'y ramasse plus que quelques rares insoumis.
Au ras du sol, "Méandres" se compose des étages qui jouxtent le sable et de ceux qui s'y entèrent. Aussi sinistre qu'isolé, le lieu est constamment enveloppé d'un nuage de poussière. Les rares rayons de soleil qui parviennent à pénétrer sa lourde atmosphère n'y croisent que les marginaux, les parias et les criminels. C'est à la fois la conséquence et la raison de son statut de prison. En effet, le quartier sert de lieu d'exil pour les condamnés. Malgré cela, les étoiles, elles, rencontrent ici-bas les fêtards les plus hardies dans des bars secrets et des clubs clandestins.

Depuis la disparition de la Veilleuse, les "Halos" règnent sur la citadelle. Elus par vote populaire sur un système de roulement, ils sont les dix membres choisis pour siéger au Conseil pendant dix ans. Chaque année, les habitants choisissent un candidat pour remplacer celui qui atteint la fin de son mandat. Les dix Halos se réunissent régulièrement au Conseil et se répartissent les tâches en fonction de leur nombre d'années d'exercice. Ainsi, il existe trois sphères du pouvoir. Les trois années suivant leur élection, les nouveaux Halos disposent du pouvoir juridique, celui de faire respecter la justice en jugeant et sanctionnant les procès qui ont lieu au tribunal. Ensuite, trois nouvelles années sont consacrées au pouvoir législatif, celui de répondre aux requêtes du peuple en proposant, votant et promulguant des lois. Enfin, les quatre dernières années de leur mandat concernent le pouvoir exécutif, celui de coordonner les décisions politiques, d'administrer les forces militaires et de décider du futur de la ville. Pour faire le lien entre le gouvernement et le peuple, le représentant religieux, dit "l'Idylle", s'affiche comme étant le visage du pouvoir politique, bien qu'il ne soit concrètement qu'un conseillé. Roi fantoche, il se doit d'être idolâtré par le peuple pour assurer son obéissance.
Les forces militaires de la citadelle se répartissent, elles, en deux régiments. Celui des "Phénix" se compose d'éclaireurs qui doivent s'assurer que le vaisseau avance sur un chemin sûr et sans encombre à travers le désert. Les "Dragons", quant à eux, sont semblables à des sentinelles dont le but est de maintenir la paix intérieure et de faire respecter les lois. De nombreuses interdictions régissent en effet la cité. La plus importante d'entre elle est l'interdiction formelle de quitter l'Ethernel, dangereux privilège que seul les Phénix possèdent. De même, tout ce qui pourrait nuire à l'homme, à la société ou au monde est strictement prohibé. C'est la raison pour laquelle le meurtre et le vol sont bien entendu proscrits, mais également la consommation de drogue et d'alcool, l'acquisition d'armes à feu, la possession d'armes blanches à l'extérieur du foyer ou encore les combats, même à mains nues. L'Ethernel n'étant doté d'aucune prison, tout criminel rendu coupable de quelque délit que ce soit se retrouve automatiquement exclu de la société pendant une période de temps définie selon la gravité du crime. Une première récidive multiplie par deux la peine initiale, une seconde la multiplie par quatre, une troisième par huit et ainsi de suite. Bannis des étages supérieures de la cité, les coupables sont alors forcés de vivre à Méandres, le quartier malfamé de la citadelle. Ils n'ont pas le droit d'en sortir avant la fin de leur sentence.

CONSOMMATION DE DROGUE/ALCOOL : SIX MOIS MINIMUM (dépendamment de la quantité)
DÉTENTION D'ARMES A FEU : VINGT-QUATRE MOIS
PRODUCTION OU VENTE DE CONTREBANDE : DIX-HUIT MOIS
POSSESSION D'ARMES BLANCHE EN PUBLIC : QUATRE MOIS
ALTERCATION PHYSIQUE : DOUZE MOIS MINIMUM (dépendamment des blessures)
ENTRÉE PAR EFFRACTION : CINQ MOIS
VOL DE PARTICULIER : HUIT MOIS MINIMUM (dépendamment de la valeur)
VOL D'EAU OU DE NOURRITURE : VINGT-QUATRE MOIS
DÉGRADATION DE L'ENVIRONNEMENT : QUARANTE-HUIT MOIS
MEURTRE : PERPÉTUITÉ

Des années de réflexion et d'expérimentation ont permis aux Ethers de développer leurs propres technologies afin de mieux répondre aux nécessités du quotidien. Cependant, la prolifération d'objets archaïques, l'absence d'industrie et le manque de ressources premières imposent à leurs inventions une apparence très rudimentaire. Ils sont souvent obligés d'utiliser des matériaux recyclés, des surfaces rouillées et des rouages bruyants. Afin d'embellir ces débris, les habitants ont développé une importante culture de la décoration, de la peinture, de la gravure et de la sculpture, offrant ainsi à leurs dispositifs alambiqués un style riche et détaillé qui transforme la rouille en or et les fracas en musique. L'art et le bricolage sont devenus des aspects primordiaux de la communauté, se diffusant même jusque sur les murs de la cité, aujourd'hui recouverts de mille et une fresques.
Tout le monde est libre de s'essayer à la création artisanale. Les vêtements, les meubles, les véhicules et autres objets de décoration ou de confort peuvent être fabriqués au "Trésor", une fabrique géante qui met toutes sortes d'outils de production à disposition des citoyens. Il est également possible de se procurer ce type d'objet auprès d'artisans professionnels qui vendent leurs ouvrages en boutique. Dépourvu de monnaie, le commerce sur la citadelle se fait selon les principes du troc, c'est-à-dire un échange de bien ou de service.
Pour subvenir aux besoins vitaux de ses résidents, l'Ethernel se munit également d'un imposant système d'extraction d'eau. Plongés dans les profondeurs de la terre, des foreuses et des siphons collectent l'eau qui se cache loin sous la surface du sol. Cette technique nécessite malheureusement de longues heures d'immobilité qui rendent le vaisseau vulnérable au courroux des tempêtes. L'eau collectée est ensuite stockée dans de larges réservoirs à ciel ouvert qui servent aussi à recueillir l'eau de pluie. Enfin, de nombreux tuyaux parcourent les murs de la citadelle et abreuvent les fontaines communes éparpillées dans les rues afin que le peuple s'y approvisionne. Une source disposent d'une quantité d'eau limité par jour dont la taille varie en fonction de la réputation du quartier où elle se trouve. D'autres conduits d'eau mènent à de larges serres agricoles aux ambiances et températures diverses, ou encore à un grand aquarium peuplé de poissons. Malheureusement, la viande, elle, a disparu des menus en même temps que les animaux. Les repas et les provisions sont distribués à heures régulières dans les restaurant et peuvent être consommés sur place ou à domicile.
Enfin, l'équipe en charge de la navigation, les "Hélios", alimentent les machines et dirigent le vaisseau grâce à l'énergie solaire que captent de larges surfaces miroitantes. Tous les gadgets auxiliaires et appareils des particuliers s'inspirent de ce même système, faisant du soleil la principale source d'énergie à bord. Une fois les moteurs en marche, le vaisseau suit le chemin tracé à l'avance par les "Eoles", des spécialistes chargés d'étudier les trajectoires des vents pour éviter la route des tempêtes de sable. Ces itinéraires sont préalablement sécurisés par les éclaireurs, les "Phénix".

Depuis sa naissance, l'indiscutable priorité de la société d’Éthernel est de préserver l'espèce humaine. Déployant ce principe à un niveau politique, la société qui s'est développée sur le vaisseau cherche à établir une harmonie des hommes et du monde. Malheureusement, l'utopie cache une véritable tyrannie. La modération, le bon sens et la raison ont aboli la liberté d'action. A bord, tout ce qui peut nuire à la santé du corps et de l'esprit est immédiatement réprimandé par la communauté et ce qui peut ralentir le développement et la croissance de l'humanité est même catégoriquement rejeté. Au sein de la citadelle, tout se sait, tout se dit, tout se juge et se critique. Les réputations se font et se défont au gré des rumeurs. Pour cette raison, l'avortement, bien que théoriquement toléré, est si brutalement attaqué que beaucoup refusent de le pratiquer, voire même sont incapables de l'envisager. Le suicide se voit relégué au rang de disgrâce. Le célibat est considéré comme un déshonneur. Même des plaisirs aussi innocents qu'un repas trop gras ou qu'un sport trop dangereux sont immédiatement désapprouvés. Du fait de leur milieux de vie, les habitants d’Éthernel, que ce soit par choix ou par obligation, sont victimes de rumeurs les déclarant maudits, parfois même malades et contagieux. Particulièrement soumise à cette main de fer, la jeunesse souffre aujourd'hui d'une terrible répression.
Afin d'éviter les digressions et dépravations dès le plus jeune âge, l'éducation est attentivement réglementée au sein d'une académie où sont regroupés les enfants des trois quartiers. De trois à dix ans, ils apprennent la langue, l'histoire et les valeurs d’Éthernel. Ensuite, à partir de dix ans, les enseignements se spécialisent pour permettre aux enfants de choisir leur future profession. Dès que possible, le plus souvent aux alentours de seize ans, les élèves doivent trouver des professionnels qui acceptent de les former sur le terrain pendant six ans. Un citoyen n'est officiellement considéré comme majeur qu'une fois son "Ravissement" achevé. Cette épreuve annuelle est imposée à l'élève au terme de son apprentissage et lui permet d'acquérir sa pleine indépendance. On attend alors du nouvel adulte qu'il quitte immédiatement son foyer, qu'il excelle dans son travail, participe à la vie de la communauté et donne à son tour des enfants pour servir sa cité. L'idée de famille n'est alors utile que pour procréer et grossir les rangs des citoyens, et non pas en tant que cellule affective. Pour cette raison, les noms de famille ont été délaissés il y a des décennies. Les habitants de la Chrysalide cherchent à former une même dynastie, vivant sous un même toit. Ils se sentent liés par leur histoire et par leurs valeurs. Ils établissent ainsi une parenté fictive qui ne prend pas en considération les véritables liens biologiques et qui prétend renforcer l'égalité des chances et la solidarité entre les individus. Néanmoins, cela pose le problème d'accentuer la pression sociale sur des êtres esseulés, perdus, et enfermés dans un quotidien monotone.
Pour palier à leur manque de liberté, les plus téméraires des Ethers ont donc développé un grand réseau de divertissements illégaux. Celui-ci est centré autour du marché noir, des sociétés secrètes et des fêtes illicites. De plus, le quartier de Méandres entretient une importante culture de la piraterie. Pour répondre à leurs besoins et leurs envies malgré l'exclusion sociale dont ils sont victimes, les résidents quittent les rues de leur prison avec l'aide de passeurs, les "Spectres", puis ils pillent les maisons et les zeppelins. Les équipages les plus imprudents osent même risquer leur vie et s'aventurer hors d’Éthernel afin de subtiliser les décombres rares mais précieux qui jonchent les ruines du vieux monde.

RELIGIEUX

De longs siècles d'errance ont presque eu raison de l'espoir du peuple affligé. Cependant, les croyances et les superstitions développées au fil des années les ont sauvées. Menés par le culte des "Yeux du Ciel", les habitants sont dédiés à l'adoration de la Chrysalide et du Soleil, les deux entités qui permettent à leur société de prospérer. Selon eux, ce sont deux divinités suprêmes, les bienfaiteurs des hommes, les maîtres des destinés et les guides qui les mèneront à "l'Oasis", un paradis terrestre exclusivement réservé aux êtres les plus purs. En revanche, la Lune est le diable qui cherche à détruire l'humanité et pervertir les esprits. Par conséquent, les hommes glorifient le jour et blâment la nuit dans de multiples légendes qui content les exploits des plus grands Chrystalins et les méfaits des pires. De plus, ils prouvent leur dévouement par les rituels et les traditions.
La communauté se rassemble chaque jour à l'aube pour accueillir le soleil avec des chants et des vœux. Puis, chaque midi elle honore le zénith avec un banquet. Pour finir, chaque soir, elle salue le départ de l'astre avec des danses et des feux de joie qui restent allumés toute la nuit. Six fêtes nationales et de nombreux événements familiaux ponctuent également l'année. Tout d'abord, les naissances donnent lieu à de grandes cérémonies au cours desquelles les parents offrent à leur nouveau-né un "Talisman", un objet porte-bonheur qui doit rattacher l'enfant à sa vertu profonde. Les mariages, quant à eux, sont des fêtes grandioses. Qu'ils soient hétérosexuels, homosexuels ou même polyamoureux, ces fêtes sont supposées fusionner les âmes-sœurs. Enfin, les décès sont solennisés par des enterrements colorés lors desquels les défunts sont envoyés à la Mer de Sable dans des cercueils décorés. Le peuple pense que, plus les festivités sont prestigieuses, plus les astres seront cléments dans leur jugement.
Ces célébrations prennent place dans les "Âtres", des temples éparpillés à travers la cité que gouvernent les "Augures", des prêtres et prêtresses chargés d'interpréter les paroles divines, de soigner les maux de l'esprit et de mener les événements religieux. Descendants spirituels présumés de la Veilleuse, ils sont révélés dès le plus jeune âge lors de la cérémonie annuelle du "Ravissement", puis sont formés auprès d'un précepteur qui cédera un jour sa place et son temple à son apprenti. S'ils sont entrés en fonction, les Augures sont tenus de participer à "l'Ascension", une grande compétition qui vise à dévoiler le meilleur d'entre eux afin qu'il prenne la tête de la communauté des croyants en tant qu'Idylle. Considéré comme la réincarnation de l'âme de la Veilleuse, l'Idylle est un messie, un prophète et un chaman.
En marge de toutes ces coutumes, une religion illicite s'est établie. Plus spirituel que ritualiste, le culte des "Marchands de Sable" vénère la lune et les étoiles, l’obscurité et les délires de l'esprit. Ils perçoivent la nuit comme une porte vers un autre monde, vers une autre vie capable de les sauver de cette existence d'enfermement sur la Chrysalide. Certains, même, vont jusqu'à développer une fascination pour les rêves ou pour la mort. Pour cette raison, ils distribuent diverses drogues aux propriétés oniriques durant les fêtes clandestines qu'ils organisent dans les endroits les plus insolites. Déclarée illégale et interdite, cette religion anime de nombreuses controverses par ses actions répréhensibles et ses idées décadentes. Blâmée pour de nombreux incidents, elle est le sujet d'une grande chasse qui vise son éradication. Ses adeptes sont envoyés au centre de redressement de Méandres par une unité des Dragons, les "Griffons". C'est une véritable guerre silencieuse que se livrent les deux doctrines.

MAGIE

Entre nostalgie et oubli, les Chrystalins hésitent. Ils ont beau chercher à se distancer de ces ancêtres qui ont détruit l'univers, ils n'en demeurent pas moins fascinés par les mystères du passé. Cependant, les sources historiques dont ils disposent sont tronquées, mélangées et faussées. A cause de cela, de multiples erreurs sont commises par ceux qui s’intéressent au sujet. Les années se mélangent, la chronologie se perd et les documents se confondent. Au milieu de ce désordre, beaucoup d’œuvres de fiction ont été méprises avec la réalité. Nombreux sont les habitants qui prennent les livres de fantasy pour des biographies et les films de science-fiction pour des documentaires. Dans ce climat chaotique, les histoires contées aux enfants à propos de leurs lointains ancêtres sont souvent truffées d'inventions et de mensonges.
Et ce ne sont pas les seuls rumeurs fantastiques qui courent les rues. Quelques rares témoignages écrits évoquent un temps où la Chrysalide baignait dans la magie. Celle-ci ne coulait pas dans les veines des hommes mais emplissait l'atmosphère de ses atomes extraordinaires. En ce temps, les objets s'animaient d'une volonté propre, les illusions parsemaient les rues à foison et les artefacts magiques étaient monnaie courante. Ces phénomènes, le peuple le devait aux "Miracles". Le système économique entier reposait sur ces petits cristaux qui s'échangeaient en un tour de main et se déclinaient sous quatre formes : les violettes étaient liées au monde spirituel, les rouges au charnel, les bleus au matériel et les vertes au naturel. Mais bientôt, la population effarée découvrit les limites de l’énergie contenues dans ces gemmes et, comme elles étaient apparues, les pierres s'évanouirent. Le conseil tenta d'en réquisitionner le plus possible, mais leurs fouilles furent infructueuses. De nos jours, les contrefaçons pullulent sur le marché noir. Et, pourtant la secte des "Prodiges" persiste à croire que la magie existe encore quelque part. Ses partisans sont prêts à tout pour le prouver.
En effet, encore aujourd'hui, de curieux murmures évoquent d'improbables reliquats laissés par la magie. Par exemple, des distorsions spatiales se tapiraient dans les ruelles de la cité. Les plus communes, les "Ellipses", seraient d'impossibles raccourcis, des plis dans l'espace ou des portails invisibles. Imperceptibles et incompréhensibles, elles relieraient deux points fixes géographiquement éloignés en seulement quelques enjambées. Encore plus prodigieuses, les "Arborescences" seraient des portes capables de mener à différents lieux. Ces diverses pièces seraient alors comme superposées les unes sur les autres dans un même espace.
Les habitants pensent également que la magie peut influer sur les âmes. Selon eux, un couple accompli, une fois marié, devrait non seulement être capable de ressentir les émotions de l'autre, mais également, avec le temps, de communiquer avec par télépathie, puis même de voyager dans son corps par la force de son esprit. Bien entendu, personne n'a jamais réellement prouvé cette superstition, bien que les mensonges fassent légion. De même, il est dit que les âmes des défunts se répartissent en trois catégories après le jugement divin. Les plus illustres rejoindraient le domaine divin et le peuple céleste, les intermédiaires se réincarneraient ici-bas et les oubliées hanteraient les dunes de leurs cris.

LA COMMÉMORATION est une impressionnante parade organisée le jour de l'anniversaire de la Chrysalide. Pour l'occasion, les habitants confectionnent des chars et des costumes à l'effigie des visages du passé. Guerriers byzantins, princesses nigériennes, savants grecs et présidents américains se donnent la réplique en traversant les rues bondées de la citadelle tandis que, au coeur des festivités, l'Idylle et les Augures rendent hommage à la Veilleuse.
L'ENVOL existe grâce à un miracle naturel offert par les insectes. Souvent tapis dans les murs de la Chrysalide, les invertébrés n'osent déployer leurs ailes qu'une fois par an. D'un même battement d'aile, ils s'envolent à l'unisson dans le ciel nocturne, chassant l’obscurité de leurs éclats phosphorescents sous l’œil émerveillé des habitants. Et, l'espace d'un instant, les Chrystalins, ne craignent plus la nuit.
L'HARMONIE célèbre le solstice d'été en lui exposant les plus belles prouesses artistiques. De l'aube au crépuscule, les citoyens font étalage de leurs aptitudes lors de divers spectacles. Comédiens, chanteurs, jongleurs et même pyrotechniciens présentent tour à tour leurs numéros. A la fin de cette longue journée, le peuple vote pour douze artistes. Ces derniers auront le privilège d'animer le grand théâtre d'Extase pendant toute une année.
LE RAVISSEMENT prend la forme d'une épreuve de survie imposée aux mineurs à la fin de leur apprentissage. C'est un passage inévitable avant d'être officiellement considéré comme adulte. Pendant deux semaines, les participants sont enfermés dans un immeuble sans aucune ressource et sans aucun contact avec l’extérieur. Ensuite, en fonction de la façon dont chacun gère la situation, le conseil décide si l'apprenti est à sa place dans la société ou s'il devrait se réorienter.
L'ASCENSION est le grand tournoi annuel de la Chrysalide. Pendant plusieurs semaines, les concurrents s'affrontent dans diverses épreuves physiques et intellectuelles. A la clé, des récompenses inédites ou salvatrices motivent la participation et l'esprit de compétition. Néanmoins, à la mort d'un Idylle, cette joute populaire se transforme en véritable lutte sacrée. Son but est alors de départager qui, parmi les Augures, deviendra le nouvel Idylle.
LES SUPPLICES bravent le solstice d'hiver avec un bal masqué grandiose. Pour surmonter l’appréhension et la terreur qu'apporte la nuit la plus longue de l'année, les habitants se réunissent dans le palace d'Extase. Calfeutrés à l'abri de la lune, ils portent des masques élégants et des tenues majestueuses. Une nuit blanche s'impose alors afin de chasser les mauvais esprits par des danses endiablées, et, parfois même, par une coupe de champagne dégustée à la dérobée.